Calibre 22, Rubem Fonseca, Tusquets, 2017 [Inédit en français]
Le scénariste brésilien Rubem Fonseca a d’abord commencé par des études de droit, avant de se lancer pleinement dans la littérature. En effet, malgré ses aptitudes et ses qualités indéniables d’écrivain, ce n’est qu’à l’âge de trente-huit ans qu’il a fait de l’écriture son métier. Il débute sa carrière littéraire par la publication de nouvelles, puis, rapidement, il se diversifie en s’intéressant aux romans, aux anthologies ou encore aux chroniques. Son style se distingue alors invariablement : il est direct, voire cru. Grâce à celui-ci, il façonne progressivement, toujours d’une main de maître, son propre monde littéraire. Une variété de personnages s’y côtoient, s’y mélangent, et ce quel que soit leur statut social. Riches, pauvres, professionnels ou prostitués, tous trouvent une place sous la plume de l’écrivain « brutalista[1]». Si les personnages sont en apparence des gens ordinaires, ils se distinguent toutefois par leur recours à la vengeance, la justice étant inexistante.
L’un des autres aspects caractéristiques de l’œuvre de Rubem Fonseca se trouve dans l’insertion d’expériences personnelles et l’inclusion de compagnons qui ont existé dans sa propre vie de commissaire de police à Rio de Janeiro. Parmi les personnes qu’il a côtoyées, l’une d’entre elles se détache : Mr Mandrake, avocat criminaliste. Il figure effectivement dans la majorité de ses nouvelles et de ses romans, et même dans ses récits télévisés.
Dans ce recueil de vingt-neuf histoires, nommé Calibre 22, l’auteur s’efforce de mettre à nu la nature et la misère humaines : que ce soit dans la nouvelle du psychanalyste qui trompe ses patients, dans celle de l’évêque qui a deux femmes et une fille, dans celle du millionnaire qui paie pour faire publier son livre ou encore dans l’histoire du garçon qui se retrouve dans un endroit idyllique et se rend compte qu’il est tombé amoureux d’une femme transsexuelle.
Dans « Calibre 22 », dernière nouvelle du recueil, on s’aventure dans un récit qui fait de nous un détective, parfois perdu, à la recherche d’indices. Alors que le héros croit avoir en sa possession tout ce qu’il faut pour résoudre l’affaire, il déchante face à la surprise d’un dénouement inattendu. En terminant par « Calibre 22 », Rubem Fonseca fait un clin d’œil au titre même de son recueil et le ferme de manière presque cyclique. Pour lui, un écrivain doit avoir le courage de dire ce que la plupart des gens n’ose pas déclarer.
Il est d’ailleurs l’un des rares écrivains à fuir les interviews. Authentique, mais mystérieux, il a toujours refusé de porter le masque de la célébrité ; celui qui, à son sens, dévore le visage original. Aussi, avec son œuvre, il reste fidèle à son identité et nous invite à ne pas oublier que nous sommes tous, sans exception, des « méchants de tous les jours », ou du moins que nous pourrions l’être.
Mónica Pinto
Traduction L’autre Amérique
[1] Propos du critique littéraire Alfredo Bosi https://letraslibres.com/revista/rubem-fonseca-1925-2020/