Historias de amor, Rubem Fonseca, Editorial Norma, 2007 [Inédit en français]
Carpe Diem
Thomas Pynchon a déclaré : « Ce qu’il y a de bien avec le travail de Rubem Fonseca, c’est qu’on ne sait pas où il va nous emmener. Chaque fois que je commence un de ses livres, c’est comme si le téléphone sonnait au milieu de la nuit : ‟Bonjour, c’est moi. Tu ne vas pas croire ce qui se passe.” Son écriture est miraculeuse, mystérieuse. Chacun de ses livres est un voyage qui en vaut la peine : c’est en quelque sorte un voyage nécessaire. »
Sept histoires composent Historias de amor, le puissant et merveilleux recueil de nouvelles de Rubem Fonseca. De « Betsy », grand modèle de la nouvelle, au court roman « Carpe Diem », l’auteur exploite le langage cinématographique, l’intrigue et nombre d’autres éléments du récit noir.
« Carpe Diem » raconte l’histoire d’une femme et d’un homme qui se rencontrent lors d’une soirée du Nouvel An et entament une relation illicite, étant tous deux mariés. Un cas d’adultère entre gens de la haute société. La routine des amants consiste à fréquenter les cinémas de quartier et les motels bon marché, loin de leur environnement. C’est une aventure imaginaire, entre la fantaisie du cinéma et le devoir conjugal. Un drame brûlant qui ira jusqu’au crime.
La stratégie du récit est de retenir l’attention du lecteur. L’image est en elle-même fonctionnelle, car elle permet de diviser l’intrigue, favorisant ainsi sa réduction à deux pôles immédiatement visibles et opposés. Le lecteur est convaincu que la scène est épuisée en elle-même.
L’évocation des événements passés et des personnages qui ne sont pas directement impliqués dans l’intrigue ne se fait qu’à travers les réminiscences du narrateur. Pour obtenir cet effet de manière convaincante, le langage doit être réduit à l’essentiel, sans céder aux digressions, aux raffinements verbaux, aux examens psychologiques ou à toute autre forme de retenue. C’est pourquoi le récit se limite à la surface ou plus exactement à la reproduction directe et immédiate des réactions des personnages et du vocabulaire qui leur correspond.
De manière quelque peu positiviste, Rubem Fonseca limite la portée de la narration au fait, comme si ce dernier se suffisait à lui-même. Cette opération est d’autant plus efficace que l’hyperréalisme de la description dispense de la représentation réaliste, dont le but est de totaliser les contradictions en mouvement et de susciter ainsi une réflexion critique. En l’absence de celle-ci, le narrateur devient une autorité incontestée et le lecteur ne peut que s’identifier passivement à celui qui a la prérogative de la narration.
Rubem Fonseca, le plus grand écrivain brésilien contemporain, a étendu son talent à un genre considéré comme de la littérature de consommation : le roman policier, lui donnant ainsi, à l’instar de quelques autres écrivains, ses lettres de noblesse.
Francisco Izquierdo-Quea
Traduction L’autre Amérique