
La Brigade de nuit, la magie et les surréalistes.
Cómo vi a la mujer desnuda cuando entraba en el bosque est le troisième volet qui complète la trilogie mettant en scène le détective Pierre Le Noir, et qui comprenait déjà Quatorze crocs et Mort dans le jardin de la lune[1].
L’intrigue commence par l’apparition d’un fantôme terrifiant, des meurtres prémédités et mystérieux, et la disparition de la magicienne Mariska, une amie chère au jeune détective, Le Noir. Le surnaturel et l’enquête policière se mêlent dans une société parisienne influencée par le surréalisme, un courant dirigé par le poète André Breton, et la publication révolutionnaire de son Manifeste du surréalisme.
L’histoire se déroule dans une France de 1927 marquée par des faits insolites : apparitions étranges, châteaux hantés et talismans magiques. Le monde réel et le monde fantastique sont comme des lignes parallèles qui se croisent inexplicablement, donnant lieu à des événements incompréhensibles par le sens commun. Le Noir est un membre de la brigade de nuit chargé des crimes impossibles à résoudre rationnellement. Il doit mener une enquête pour retrouver « sa bien-aimée », liée au groupe d’artistes controversés.
Avec détermination et un pistolet 38 dans son sac, Le Noir se rend donc sur les falaises de Normandie, lieu de cimetières marins, d’anciens champs de bataille et de forêts denses, pour infiltrer les poètes les plus scandaleux de France, réunis au château du Manoir d’Ango. La région possède un magnétisme particulier qui attire des gens étranges et provoque des événements inhabituels.
Avec un style direct et agile, Martín Solares capte les lecteurs grâce à son dynamisme narratif, à sa bonne gestion de l’extraordinaire et aux anecdotes étranges des surréalistes. Il trempe sa plume dans une encre magique et construit des atmosphères subtiles, qui contribuent à nous faire sortir de la réalité et à nous emmener dans des domaines où l’imagination perturbe notre conception du monde.
Le roman met en scène les activités subversives des surréalistes, principalement de Breton, d’Aragon et d’Éluard : leurs rixes, leurs scandales publics et leur violence à l’égard de ceux qui ne partagent pas leur conception de la « Patrie ». Il est à noter que ces trois meneurs étaient des étudiants en médecine recrutés par l’armée pendant la Première Guerre mondiale, et que Breton a appris à hypnotiser pour soulager les souffrances des grands blessés.
Héritier des techniques de Dashiell Hammett, l’auteur utilise l’intrigue pour nous montrer la passion de ces hommes uniques pour la poésie, l’amour, la liberté et l’imagination.
A un moment donné, le détective s’interroge sur les créateurs du surréalisme : « Combien de cicatrices n’y a-t-il pas sur l’âme de ceux qui ont vécu l’horreur de la guerre ? »
À la fin de Cómo vi a la mujer desnuda cuando entraba en el bosque, nous nous demandons à notre tour si un nouveau mouvement artistique n’est pas sur le point d’éclater en réaction à la violence qui sévit dans diverses régions du monde. Et si oui, de quel type de courant s’agirait-il ?

Cómo vi a la mujer desnuda cuando entraba en el bosque de Martín Solares [Inédit en français]
Penguin Random House, 2024
[1] Ces deux livres ont été publiés par Christian Bourgois respectivement en 2020 et 2021.