
En plein cœur de Madrid est assassinée une redoutable agent littéraire. Tout accuse une jeune journaliste, Lucía Luján. Dans le quartier populaire et bigarré de Lavapiés, sa tante, persuadée de son innocence, demande de l’aide à l’un de ses locataires, Larrazabal.
Ancien flic issu d’un curieux métissage peruano-basque, il est tombé en disgrâce dans son pays d’origine par excès d’intégrité. Homme que l’on devine solitaire, il débute une liaison avec une jeune Marocaine à la modernité entravée. Le cœur lourd, Larrazabal enquête sur le meurtre de son ami, l’avocat Tejada.
Les deux histoires s’entremêlent, et se racontent par des chassés-croisés de dialogues et des mises en perspectives narratives subtiles et efficaces. L’influence de Vargas Llosa n’échappera à personne.
Bien loin de la froideur des morgues, Jorge Benavides dissèque la société espagnole. Son autopsie repose sur deux critères : la classe sociale et l’origine ethnique. L’auteur péruvien, armé de son éventail sociétal, brosse le portrait d’un pays hétéroclite ; il en respecte les contours tout en nous en épargnant les clichés.
Benavides habite Madrid et s’amuse à nous promener tantôt dans les quartiers les plus chics, tantôt dans les recoins les plus populaires. Nous y rencontrons ses personnages animés de leur histoire, parfois victorieuse, souvent tumultueuse. Le roman se nourrit de la psychologie humaine et sociale déjà démontrée par Benavides dans le génial Les années inutiles et dans le très prenant El año que rompí contigo (non traduit).
À mille lieues des investigations scientifiques, Benavides incise au scalpel le cœur des hommes et en libère toute la noirceur. Il met à nu la corruption des éditeurs et des écrivains, qui partagent en proportions égales leur soif de la gloire, leurs turpitudes et leurs veuleries. L’amour de l’art se dilue dans les considérations pécuniaires et les orgueils blessés.
La trame policière en devient presque secondaire. Peu importe, au fond, le mobile ou l’arme du crime. Une évidence, une seule. La véritable victime s’appelle Littérature. Et son assassin se nomme Ambition.

El asesinato de Laura Olivo de Jorge Benavides
[Inédit en français]
Alianza Editorial Madrid, 2018