
Le fait qu’un genre littéraire jouisse d’une certaine popularité n’implique pas toujours sa lecture critique ou l’échange de perspectives entre les différents secteurs du milieu culturel, principalement entre la sphère académique et les festivals spécialisés. Les littératures policières mexicaines, par exemple, ont été déconnectées de la critique académique tout au long du XXe siècle, tandis que dans le domaine de la création littéraire, il n’y avait pratiquement pas de cohérence globale. Cependant, au début du XXIe siècle, des chercheurs comme Vicente Francisco Torres et Miguel Rodríguez Lozano ont entamé une série d’analyses minutieuses de la fiction policière et noire à travers son « historicisation » et l’impact de certaines œuvres faisant désormais référence : El complot mongol[1], Ensayo de un crimen[2], Días de combate[3], entre autres. Il y eut bien des études consacrées à ces textes auparavant ; ils n’étaient pas moins considérés comme des œuvres atypiques dans le spectre littéraire mexicain, c’est-à-dire sans concept de tradition générique.
Avec le boom de la production littéraire mettant en scène la violence dans les années 2000, la critique a dû intégrer comme objet d’étude des romans récents d’auteurs de différentes régions du pays, pour la plupart proches du genre noir. En quelques années, les analyses théoriques du roman policier se sont multipliées, allant des mémoires de licence aux travaux de chercheurs confirmés. En d’autres termes, la littérature policière a cessé d’être une anomalie trop longtemps ignorée pour devenir enfin l’un des sujets les plus examinés dans les écoles et les livres.
Les auteurs de romans policiers ont ressenti cette nouvelle mouvance au sein des milieux académiques, à l’origine du renforcement de la diffusion du genre. Congrès, salons du livre, journées d’étude, collections éditoriales, anthologies, cours et ateliers sont désormais fréquents, ceux qui s’intéressent au sujet ne cessant d’en souligner la pertinence du genre noir. J’ai moi-même assisté à plusieurs événements, en tant que participant, orateur et invité, et fus surpris par la fraternité et l’engagement des personnes impliquées dans l’organisation de ces activités, qui sont d’ailleurs de plus en plus demandées et couronnées de succès sur le plan commercial et intellectuel. En fin de compte, au-delà de la spécificité des rencontres, elles génèrent un dialogue indispensable pour tenter de comprendre la situation actuelle du Mexique dans toute sa complexité.
En tant qu’auteur, j’eus l’occasion de participer à la Semana Negra de Querétaro, en octobre 2023, et à la Guía Roja, lors de la Feria del Libro de Ciudad Juárez, en juin 2024. Grâce à ces rencontres, je fis la connaissance d’auteurs exceptionnels tels que Adán Medellín, Bernardo Fernández, Macaria España, Manya Loría, Omar Delgado, José Juan Aboytia, Ivonne Reyes, Edgar Contreras, Carlos René Padilla, Elpidia García, Héctor Arreola, José Salvador Ruiz et Ricardo Vigueras. À tous, amis et collègues, je souhaiterais leur adresser mes plus vifs remerciements pour leurs enseignements, les verres partagés et les conversations qui se poursuivent sur le noir mexicain.
Traduction L’autre Amérique
[1] Roman noir de Rafael Bernal publié en 1969.
[2] Roman de Rodolfo Usigli publié en 1944 et adapté au cinéma par Luis Buñuel en 1955 au Mexique, lors de son séjour dans ce pays.
[3] Roman de Paco Ignacio Taibo II publié en 1976.