
J’ai commencé à envisager l’idée d’une anthologie de romans noirs après avoir découvert l’incroyable maison d’édition new-yorkaise Akashic Books, qui publiait des anthologies de romans policiers consacrées à des lieux et à des pays spécifiques. Mon rêve était de faire un livre qui, avec beaucoup de chance, pourrait être acheté par eux et traduit en anglais. J’ai alors appris que Paco Ignacio Taibo II y était déjà parvenu avec l’anthologie Mexico City Noir, appelée en espagnol Mexico negro y querido et en français simplement Mexico noir.
À l’époque, j’entretenais de bonnes relations avec Nitro Press, une petite maison d’édition mexicaine, et j’ai réussi à les convaincre de réaliser l’anthologie. Au-delà de mes propres désirs, étant un lecteur vorace de romans policiers et un libraire, ce qui me donnait accès aux nouvelles parutions, je savais qu’il y avait beaucoup de gens qui écrivaient dans ce genre. Mauricio Bares, l’éditeur, a finalement accepté de la publier selon mes règles, qui n’étaient pas très compliquées. Il devait s’agir d’un véritable roman policier, et non d’histoires qui y ressemblent, comme c’est souvent le cas au Mexique. J’allais chercher des gens dans tout le pays et chacun d’entre eux me fournirait une histoire. Certains savaient déjà quelle histoire je souhaitais, d’autres m’ont donné du matériel inédit. Enfin, il n’y aurait pas de quotas d’aucune sorte, l’idée étant de montrer ce qui se passait réellement à l’époque.
En général, les Mexicains ne savent pas très bien ce qu’est un roman policier. Beaucoup pensent que s’il y a un cadavre, c’est un roman policier. Cela s’explique par le fait que, pendant de nombreuses années, le genre a souffert du stigmate d’être catalogué comme de la littérature jetable, ce qui explique qu’il soit peu apprécié. Contrairement à des pays comme l’Argentine ou l’Espagne, pour parler du monde hispanophone, où l’on sait mieux de quoi il s’agit. Jorge Luis Borges et Ricardo Piglia étaient des éditeurs d’œuvres criminelles, c’est le moins que l’on puisse dire.
J’ai donc recueilli des documents et des autorisations auprès de personnes comme Francisco Haghenbeck ou Imanol Caneyada, et j’ai essuyé les refus d’autres personnes qui ne voulaient pas paraître dans une petite maison d’édition ou qui estimaient que leurs histoires avaient déjà été largement lues (comme ce fut le cas d’une autrice). Au final, j’ai recueilli 27 histoires, provenant de personnes du centre et du nord du pays. Il s’agissait principalement d’hommes et de quelques écrivains du sud du pays.
L’impact a été très positif. La maison d’édition a créé une collection de romans noirs et publié une anthologie sur l’Amérique latine, à laquelle j’ai participé en tant que co-éditeur. Cela m’a également permis de parler du roman dans des universités aux États-Unis, au Chili et en Espagne. Akashic Books ne l’a jamais acheté, mais je ne perds pas espoir de faire un jour quelque chose avec eux.
Traduction L’autre Amérique