Le Bison de la nuit par Beatriz Kurashima

Guillermo Arriaga, Le Bison de la nuit, Phébus (2005) [El búfalo de la noche, Norma Editorial, 1999]


© Cecilia Guerrero

Certains sujets proposés dans cet ouvrage semblent faire partie d’un monde caché. Par exemple : la relation compliquée entre parents et enfants, la fragilité mentale d’un être humain ou les relations amoureuses malsaines. Ces situations ont lieu parce que nous sommes obsédés par l’image que nous voulons montrer, parce que nous ne voulons pas faire face à l’incertitude ou parce que nous nous attachons avec force à un idéal.

Le personnage de Gregorio permet de percevoir à quel point une personne peut être fragile. À travers les hauts et les bas de sa schizophrénie nous percevons une partie de sa personnalité, car Gregorio est précisément une personne et pas seulement un patient. En utilisant le prétexte de la trahison, il réussira à poursuivre son ami Manuel, même après s’être suicidé, en menant une partie de l’intrigue sans être présent.

Tania, la petite amie de Gregorio, est ce qui le relie à la vie. En même temps, Tania pousse Manuel à laisser la folie s’emparer de sa vie. Ce personnage féminin est mystérieux : Tania disparaît plusieurs fois, entretient une relation avec Gregorio à l’insu de Manuel et transforme ce dernier en traître. Le charme du personnage de Tania est qu’elle ne cède pas aux chantages affectifs, même à ceux de Manuel.

Ce dernier, en tant que narrateur et protagoniste, nous raconte dans quelles conditions il a été témoin de la chute de Gregorio dans le gouffre de la schizophrénie. Manuel a poursuivi sa relation avec Tania alors qu’elle était la petite amie de Gregorio. Pourtant, tout au long du roman, Manuel reçoit quotidiennement des preuves de son implication dans le triangle amoureux qu’il ignorait. Ce n’était pas le cas de Gregorio. 

Le personnage de Jacinto Anaya, compagnon intime de Gregorio à l’hôpital psychiatrique, a une double fonction. D’un côté, il est l’arme de la vengeance de Gregorio. D’un autre côté, il donne un sens et un but au cycle narratif, en se présentant à Manuel comme un véritable adversaire.  

Le Bison de la nuit est une preuve que les traces des jeux psychologiques, des obsessions, de la violence, de l’agonie et des amours restent longtemps présents dans nos vies. Il est pertinent de se demander s’il y a des personnes qui n’ont pas la vision cauchemardesque du Bison de la nuit – de ce monde caché, pour le dire autrement – ou si ces personnes ne se mentent pas à elles-mêmes, comme Manuel ment dans sa déclaration de faits à la police.

Traduction L’autre Amérique