Le Sauvage par Mónica Pinto

Guillermo Arriaga, Le Sauvage, Fayard, 2019 [El Salvaje, Alfaguara, 2017] 

© Alejandro Gutiérrez

Le livre Le Sauvage se déroule dans les années soixante et soixante-dix au cœur d’un quartier de la ville de Mexico dans lequel il décrit la vie urbaine, cruelle et réelle avec ses avantages et ses inconvénients. Dans les 130 premières pages il nous présente l’intrigue : le protagoniste et narrateur, Juan Guillermo, doit affronter la mort dès son plus jeune âge.

Juan Carlos, le frère aîné du héros, est assassiné par une secte de fanatiques religieux de mèche avec la police. Ce personnage est très cultivé, autodidacte, excellent homme d’affaires. Il dirige un élevage de chinchillas et une autre entreprise plus rentable. La grand-mère de Juan Guillermo meurt de tristesse en raison du décès de son petit-fils, et plus tard on apprend le tragique accident mortel de ses parents quand ils déposent les cendres de la grand-mère dans l’endroit choisi selon ses dernières volontés. Les deux petits perroquets et le chien de la famille meurent également.

Guillermo Arriaga traite magistralement la mort et même si on pense que l’histoire est terminée au bout de ces 130 pages, on essaie de s’imaginer le récit des 563 pages restantes. C’est là que commence la magie de l’histoire. On souhaite savoir comment le protagoniste va se venger, on désire connaître les détails de la mort de chaque membre de sa famille, et ce qui le garde en vie.

Arriaga dit, sans se considérer vieux jeu, qu’il croit beaucoup en l’amour et en l’amitié. Il est persuadé que ces deux valeurs sont indispensables pour reconstituer le tissu social. C’est ainsi que notre courageux protagoniste va de l’avant grâce au soutien des habitants de son quartier. C’est peut-être la raison pour laquelle Guillermo Arriaga ne quitte pas son pays, comme c’est le cas de beaucoup de réalisateurs, d’écrivains et de scientifiques. Il dit : « ça vaut la peine de rester au Mexique pour tous les agriculteurs qui se tuent à la tâche ».

Tout au long du roman il entame un dialogue avec d’autres écrivains dans le chapitre « Respiration » où il convoque Shakespeare, Faulkner et Rulfo. Il les défie tous les trois.

Parallèlement à cette histoire il nous en raconte une autre, celle d’Amaruq, un chasseur dans les forêts du Yukon, au Canada. A la fin, les deux histoires se fondent dans un seul récit. Le Sauvage est une histoire qui nous invite à nous confronter à la mort, on y trouvera de la générosité, de la solidarité et de l’espoir. Telle est sa personnalité d’écrivain caustique, qui nous tient en haleine. Il écrit ce qu’il connaît, ce qu’il a vécu sans pour autant le faire de façon autobiographique, et c’est là que réside toute sa force pour accrocher le lecteur.

Arriaga a mis cinq ans et demi pour écrire ce livre. J’ai eu besoin de trois semaines pour m’introduire dans la vie du protagoniste, pour m’identifier à lui. Il me semble que seuls les véritables romanciers peuvent y parvenir.

En 2016 à Mexico, Guillermo Arriaga a donné une conférence pour présenter Le Sauvage en présence de Paco Ignacio Taibo II. À la fin, Arriaga a déclaré : « Je vous promets que si vous n’aimez pas mon livre, je vous en offrirai un autre, même celui d’un autre écrivain ». S’il était devant moi je lui dirais : « Guillermo, je n’ai pas aimé ton livre, je l’ai adoré et oui, je veux que tu m’en offres un autre, mais un autre dont tu es l’auteur. »

Traduction L’autre Amérique