Gioconda Belli, La République des femmes, traduit de l’espagnol (Nicaragua) par Claudie Toutains, 2021, 254 p., 20 € [El país de las mujeres, Seix Barral, 2012]
La République des femmes pourrait être le roman d’une prise de pouvoir par des femmes dans n’importe quel pays d’Amérique latine. L’histoire débute par un attentat contre la présidente, Viviana Sansón, qui la plonge dans le coma. Qui tire et pourquoi ?
S’ensuivent alors, dans ses délires et aussi ses souvenirs, des événements et des péripéties qui l’ont conduite à la présidence. En compagnie de quatre amies, elle a créé le parti de la gauche érotique. C’est le même nom qu’un mouvement formé par des femmes pendant les années 1980, auquel appartenait Gioconda Belli. Toutes les cinq aspirent par tous les moyens à mettre en place une société égalitaire. Elles veulent en finir avec les violences, la corruption et le patriarcat.
À cause des émanations toxiques d’une éruption volcanique, les hommes se retrouvent affaiblis et les femmes profitent de leur vulnérabilité momentanée pour prendre le pouvoir. Le parti parviendra-t-il à résister aux attaques de ses adversaires ? Faguas sera-t-il alors un meilleur pays ? Le parti de la gauche érotique est créé pour briser les barrières installées par la domination masculine, celles qui empêchent les femmes d’exercer leurs droits, les privent de leurs libertés et leur interdisent de développer pleinement leurs capacités.
« Nous avons passé trop de temps à nous excuser d’être des femmes, disait-elle, à essayer de démontrer que nous ne l’étions pas, comme si le fait d’être des femmes n’était pas notre principale force, mais c’est fini ! Nous allons mettre en avant chaque stéréotype féminin et en assumer toutes les conséquences. »
Gioconda Belli est romancière et poétesse et s’est fortement engagée, dans les années 1970, dans le Front sandiniste de libération nationale. Elle est aussi profondément féministe. Sa renommée est internationale.
Ce roman a reçu le prix Premio Hispanoamericano de la Novela La Otra Orilla en 2010.
Si l’histoire est fictive, elle est basée sur des données réelles. Elle raconte la situation politique du Nicaragua et met en évidence, pour les femmes, la division sexuelle du travail, la discrimination et la violence.
Le roman est construit en chapitres alternant la présentation et les aspirations des principaux protagonistes (la présidente, ses amies, José, les adversaires), avec l’évocation d’objets (les lunettes de soleil, la tasse, le parapluie, un presse-papier…) appartenant à la présidente et qui l’entraîne dans des délires et des flash-back.
C’est un roman original, courageux, puissant et plein d’humour, fantaisiste, un peu loufoque aussi. Gioconda Belli a un style très libre, énergique et amusant. Elle suscite la réflexion, avec optimisme, mais l’attentat refroidit quelque peu l’ambiance.
Elle montre, avec la personnalité des cinq amies, qu’il n’y a pas un seul féminisme et qu’il est important pour les femmes d’être présentes dans la politique.
Alice