Le Dégoût de Horacio Castellanos Moya (Salvador) par Mónica Pinto

Horacio Castellanos Moya, Le dégoût : Thomas Bernhard à San Salvador, traduit de l’espagnol (Salvador) par Robert Amutio, Métailié, Paris, 2018, 112 pages, édition de poche 7 € [El asco: Thomas Bernhard en San Salvador, Editorial Arcoiris, 1997]

Dans une note au début de la version en espagnol du livre, Horacio Castellanos Moya, en guise d’avertissement, écrit : « J’ai voulu adoucir des points de vue qui auraient pu choquer certains lecteurs ». Cependant, cela n’a pas évité à sa mère de recevoir des menaces de mort après la publication de ce roman doté d’un charme si particulier. 

Écrite avec un style fluide, cette œuvre est structurée  par un monologue où les répétitions soulignent la sensation de répugnance. À travers des anecdotes personnelles et une histoire de famille fictionnelle, l’auteur entreprend une critique sévère du Salvador et de sa capitale, en parlant en ces termes : « la ville de San Salvador est une version grotesque, naine et stupide de Los Angeles, peuplée de types stupides dont la seule ambition est de ressembler aux types stupides qui habitent Los Angeles […] l’hypocrisie qui pousse ces types à désirer du plus profond de leurs âmes se convertir en gringos ».[1] Pourtant, ces critiques incitent à la réflexion sur toute l’Amérique latine. 

Le personnage principal est un Salvadorien, Edgardo Vega, qui habite à Montréal depuis dix-huit ans. Il rentre à San Salvador pour gérer la vente de la maison de sa mère récemment décédée. Il a tout intérêt à mener à bien cette transaction, car cela lui permettrait de vivre plus confortablement à Montréal.  

Parmi les personnes présentes aux funérailles de sa mère se trouve Moya, son meilleur ami d’enfance. C’est grâce à cette rencontre que le lecteur a connaissance de l’histoire parce que l’auteur l’utilise comme élément cathartique pour exprimer tout le dégoût du protagoniste pour ce pays. 

Après les obsèques, Edgardo invite Moya à prendre un verre dans un bar peu fréquenté où ils servent du whisky et pas de la bière salvadorienne : « une cochonnerie tout juste bonne à donner la diarrhée ». Au fil du roman, les critiques d’Edgardo envers son pays s’enchaînent, sur le football, les plats typiques, la plage La Libertad ou l’université publique. Il va jusqu’à dire que c’est un pays sans mémoire historique. 

Edgardo rentre à San Salvador uniquement pour confirmer qu’il ne regrette pas d’avoir quitté son pays. Les quinze premiers jours chez son frère sont une torture, car ce dernier est un ignorant, amateur de télévision, de fêtes et de bordels. 

Horacio Castellanos Moya est un écrivain courageux, auteur d’une œuvre importante. Il appartient au groupe des écrivains dérangeants pour les gouvernements latino-américains, qui aimeraient les réduire au silence.

Mónica Pinto

Traduction L’autre Amérique


[1]  Horacio Castellanos Moya, Le dégoût, traduit de l’espagnol (Salvador) par Robert Amutio, Métailié, 2018