Un parcours littéraire au Nicaragua par Sergio Bustamante

Je m’appelle Sergio Bustamante Cortez, j’ai 28 ans et je vis au Nicaragua, un pays d’Amérique centrale au milieu de l’isthme. Je me consacre à l’édition indépendante de mes livres, de la littérature jeunesse principalement. Il a fallu presque quatre ans de lutte à contre-courant pour rendre ce projet possible.

Au Nicaragua, l’industrie de l’édition est peu développée. Ici, il n’y a pas de grandes maisons d’édition qui permettent la vente et la distribution de votre livre à l’échelle mondiale. 

Pas à pas, j’ai réussi à rassembler tout le nécessaire, entre procédures et tâches, pour réaliser ma première publication. Si on parle d’argent, je dois dire que la folie a été d’investir toutes mes économies et même de faire un prêt à la banque pour donner vie à Cuentos Loquillos, mon premier livre d’histoires pour jeunes et adultes.

Le sentiment d’avoir un premier livre entre les mains était unique, j’étais vraiment motivé. J’ai commencé avec un bon rythme de vente et petit à petit le premier tirage de 600 exemplaires s’est écoulé.

Les choses se sont compliquées au Nicaragua avec la crise sociale d’avril 2018. La population était sous le choc, la situation était très difficile au niveau sociopolitique et personne ne songeait à acheter des livres ou à soutenir des entreprises culturelles. Là, j’ai dû faire une pause.

En 2019, une nouvelle étape a commencé. J’ai réussi à vendre plusieurs nouveaux exemplaires, mais ce n’était pas suffisant pour financer un autre livre. Cependant, cela n’a pas empêché la naissance d’une nouvelle idée : mon premier livre pour enfants. J’avais toujours aimé l’idée de partager quelque chose avec les enfants de mon pays, d’autant plus qu’ici la littérature jeunesse n’est pas développée.

Sans aucune garantie de ce qui allait se passer avec ce nouveau projet, j’ai fait des prêts et j’ai réussi à publier Baky, le tapir élégant, mon premier livre avec des illustrations, une version bilingue (espagnol/anglais) et avec des activités proposées. Il a été très bien reçu et grâce à ce projet j’ai découvert une autre vocation cachée : raconter des histoires. Grâce à ce livre, j’ai commencé à me consacrer au métier de conteur.

L’année suivante, la pandémie est arrivée et cela allait être un autre grand obstacle. Je me suis lancé dans un nouveau projet pour enfants, avec un message social : Tito et Rayo, héros de la rue, l’histoire d’un chien errant et d’un cheval de trait qui nettoient la ville de Managua. Le livre a commencé à être largement diffusé et m’a donné de nouvelles opportunités pour atteindre des lecteurs et des partenaires.

En 2021, je suis très reconnaissant à toutes les personnes qui ont soutenu ma carrière ; à commencer par mes amis lecteurs, aux organisations et aux entreprises qui se sont jointes à moi afin de diffuser une littérature ciblée. Tout au long de cette année, je me suis entièrement consacré à la création de nouvelles œuvres et à leur promotion.

Je suis heureux des résultats obtenus par un pays du tiers monde avec tant de besoins. J’ai apporté mes livres dans des communautés éloignées où les enfants n’ont pas accès à une littérature de qualité. C’est le travail de mes rêves et j’ai l’opportunité de le faire ici dans mon pays, où il est si nécessaire de le faire.

Je ne doute pas que ma littérature puisse atteindre la France et toute l’Europe, mais j’aime aller pas à pas. J’apprécie les possibilités qui se présentent et la seule chose dont je suis sûr est que nous devons donner le meilleur de nous-mêmes, et ce dans les moindres détails. Pour le reste, la vie s’en charge.

Sergio Bustamante

Traduction l’Autre Amérique