Le fils du héros de Karla Suárez par Mónica Pinto

Karla Suárez, Le fils du héros, traduit de l’espagnol (Cuba) par François Gaudry, Métailié, 2017, 25 p. [El hijo del héroe, Fondo de Cultura Económica, 2017]

« por que después de cada cosa 

siempre nos queda el futuro »[1]

K. Suárez, Le fils du héros

Le fils du héros est une histoire nostalgique sur l’amitié, sur la recherche de liberté individuelle pour une génération marquée à jamais par l’idéologie d’État. Karla Suárez (La Havane, 1960) offre un récit fluide et intéressant. Ce n’est ni un roman de guerre ni un roman sur la guerre, mais il s’agit de savoir comment la guerre, en tant que personnage, croise le chemin de beaucoup de familles cubaines, notamment celle d’Ernesto. La guerre, comme un être vivant, « a besoin d’oxygène pour respirer et l’Afrique en avait ».

La narration n’est pas linéaire. Il y a un mouvement constant entre le passé, le présent et le futur, et entre l’Angola, le Portugal, Cuba et l’Allemagne. Le début du roman donne le ton : Ernesto est dans l’avion qui le mène en Angola et pendant le trajet tous ses souvenirs lui reviennent comme une tempête. 

La guerre d’Angola à laquelle le roman fait référence a duré une quinzaine d’années, de 1975 à 1991. Au début, les militaires étaient les seuls à prendre part au conflit, ensuite les civils ont été appelés. Et Cuba fut l’allié de cette ancienne colonie dans sa lutte pour l’indépendance.

Ernesto, encore enfant, fut marqué par cette guerre. Sa vie était tout à fait normale. Pourtant, tout d’un coup, il est devenu « le fils du héros ». « C’était le dernier jour de mon enfance, mais je ne le savais pas », dit Ernesto.  

Cette étiquette l’a déstabilisé et l’a empêché de profiter pleinement de petits détails de la vie, simples ou complexes. À travers des allers-retours temporels, il nous raconte sa vie amoureuse, sa relation avec Rosa ou avec sa femme Renata. Plus tard, dans un café, il fait la rencontre de Berto, qui le guide vers cette fin inespérée et libératrice.

Malgré les recherches entreprises pour la rédaction, il ne s’agit pas d’un roman historique. C’est plutôt un roman qui nous rappelle les jeux de l’enfance et qui évoque la musique, élément essentiel de la culture cubaine. Avant tout, comme dit Miguel, le père d’Ernesto, ce livre lui « fera utiliser le muscle du cerveau ».

Mónica Pinto

Traduction L’autre Amérique


[1] « parce qu’après chaque expérience il nous reste toujours l’avenir »