Poèmes de José Antonio Funes (Hon)

Quelque part dans la nuit

Depuis quel lit, quelle plage ou prairie

les amoureux te voient-ils

et choisissent-ils la tournure la plus lâche pour tuer le silence ?

Ou depuis quelle page blanche le poète répond-il à tes clins d’œil

avec d’infimes vers sucrés

que les gamines ânonneront plus tard dans les écoles ?

j’en a assez tu sais, on en a vraiment assez

de te voir dans ce coin du ciel attendant le prochain poème.

Putain de lune qui se vend pour deux ou trois métaphores !

En un lugar de la noche

¿Desde qué cama, playa o pradera

los amantes te ven

y eligen la forma más cobarde de matar el silencio?

¿O desde qué página en blanco el poeta responde a tus guiños

con versitos endulzados

que luego repetirán las niñas en los colegios?

Ya me cansas, ya nos cansas

de verte en esa esquina de cielo en espera del próximo poema.

¡Puta luna que te vendes por dos o tres metáforas!

Voilà ce que dit l’immigré

Moi aussi je suis Personne, frère Ulysse.

Chaque jour, ou plutôt chaque nuit,

le Cyclope m’interroge, et je réponds : je suis Personne.

Personne par ma couleur, pour être porteur de rêves sans permis.

Par une après-midi fauve que connaît mon pays

J’ai rêvé d’un bateau qui traversait la mer des champs de blé.

Il y avait tant de soleil, tant de ciel,

que j’ai abandonné les morts attachés à mes pieds

et j’ai payé avec les larmes de mes enfants le prix d’une statue de sel.

Je suis arrivé sur cette île, Ulysse.

Mes bras sont plus forts que ceux du naufragé

qui a séparé les eaux pour se faire une place dans la mort.

Mais je suis Personne et la pluie me transperce plus moi que les cathédrales,

et le Cyclope veille sur

le pain ensoleillé que j’apporte à ma table,

pendant qu’il me parle de lois et de frontières.

Habla el inmigrante

Yo también soy Nadie, hermano Ulises.

Cada día, o más bien cada noche,

el Cíclope me interroga, y yo contesto: Soy Nadie.

Nadie por mi color, por ser portador de indocumentados sueños.

En una tarde amarilla de mi país

soñé una barca que surcaba el mar de los trigales.

Había tanto sol, tanto cielo,

que abandoné los muertos atados a mis pies

y pagué con lágrimas de mis hijos el precio de una estatua de sal.

Llegué a esta isla, Ulises.

Mis brazos son más vigorosos que los del náufrago

que partió las aguas para hacerse un lugar en la muerte.

Pero soy Nadie y la lluvia me moja más que a las catedrales,

y el Cíclope vigila

el pan luminoso que llevo a mi mesa,

mientras me habla de leyes y de fronteras.

La mort a une haleine de glace

Didier est mort de froid dans une forêt en France.

La dernière nuit de sa vie,

tandis que la gel mordait ses os,

Il s’est souvenu des mots de sa mère lorsqu’elle lui mettait une écharpe bleue,

avant de l’emmener à l’école :

« Didier, reste tranquille. »

Enfant il aimais l’innocence de la neige

et la forêt était ce lieu mystérieux où pouvait régner un prince ou un loup.

Mais cette nuit-là, les arbres sont devenus de sinistres barreaux

et Didier s’est agrippé à son carton, à ses vieux chiffons,

jusqu’à ce qu’un feu blanc brûle son haleine.

La muerte tiene aliento de hielo

Didier ha muerto congelado en un bosque de Francia.

La última noche de su vida,

mientras el hielo mordía sus huesos,

recordó aquellas palabras de su madre cuando le acomodaba una bufanda azul,

antes de llevarlo a la escuela:

“Didier, reste tranquille”.

De niño él amaba la inocencia de la nieve

y el bosque era ese lugar misterioso donde podía reinar un príncipe o un lobo.

Pero esa noche los árboles se volvieron barrotes siniestros

y Didier se aferró a sus cartones, a sus trapos viejos,

hasta que un incendio blanco quemó su aliento.