Ursúa de William Ospina par Violeta Lemus

Version en espagnol

William Ospina, Ursúa, traduit de l’espagnol (Colombie) par Claude Bleton, J.-C. Lattès, 2007, 454 p. [Ursúa, Alfaguara, 2005]

Lire William Ospina est tout à la fois une expérience de lecture édifiante et une expérience sensorielle stimulante. Le titre de son roman, Ursúa, constitue déjà une invitation et une question : qui est Ursúa ? Ce nom, qui est en fait un patronyme, nous promet déjà des intrigues et des aventures héroïques, à l’instar de la page de titre d’un Don Quichotte de la Manche ou d’un Amadís de Gaule.

C’est au fil des pages de ce récit passionnant que le lecteur découvrira qu’il ne s’agit pas d’un héros de fiction ou de chevalerie, mais d’un véritable aventurier qui a participé à la conquête de l’Amérique. Entre histoire et fiction, ce récit a connu un grand succès et a été le premier d’une saga de récits également inspirés par la conquête : El país de la Canela (2008) et La Serpiente sin ojos (2012). Comme Ospina le mentionne lui-même dans le Post Scriptum du roman, son inspiration vient de plusieurs chroniques de la conquête et de l’essai biographique de Luis del Campo : Pedro de Ursúa, conquistador español del siglo XVI (1970). Ici, l’habileté de l’auteur a été de faire de cet aventurier mineur sans grande importance le héros d’un récit épique remarquable.

L’écriture de cette histoire combine l’espagnol baroque et celui bariolé de la langue des chroniques indiennes de l’époque de Hernán Cortés ou de Bartolomé de las Casas avec de longues et fabuleuses descriptions de grandes découvertes et de lieux mythiques, mais avec le meilleur style narratif d’un Carlos Fuentes ou d’un García Márquez. En tant que lecteurs, nous ne cessons d’être étonnés par la multitude d’informations et d’événements, tant historiques qu’imaginaires, qui, d’une part, nous transportent aux temps incertains et téméraires de la conquête de l’actuelle Colombie et, d’autre part, nous entraînent dans une série de récits de vie à la chronologie dynamique et moderne.

Ainsi, Ursúa, héros pour les uns, opportuniste barbare et ambitieux pour les autres, nous est révélé sous le regard de son ami métis du Pérou, qui est le chroniqueur de l’histoire, avec la grandeur de son caractère, mais sans ornements prétentieux, comme un autre conquérant sanglant à son zénith et à son crépuscule. Nous recommandons vivement la lecture de ce roman à tous ceux qui souhaitent être transportés dans une époque où le merveilleux est infini, où la mort rôde partout et où réalité et légende se confondent. On pourrait dire que le mérite de cet Ursúa n’est pas le sujet en lui-même, un conquistador à la recherche de la terre promise, de l’Eldorado, mais la manière délicieuse et élégante dont ces chroniques de la conquête et ces aventures passionnantes sont racontées, sans jugement de valeur partisan ni intention revancharde, dans le seul but d’instruire et de ravir – objectifs inhérents à la bonne littérature.

Violeta Lemus

Traduction L’autre Amérique