Collection privée de Gonzalo Eltesch par Alice

Gonzalo Eltesch, Collection privée, traduit de l’espagnol (Chili) par Gilles Moraton, Maurice Nadeau, collection « À vif », 2022, 128 p. [Colección particular, Libros del Laurel, 2015]

Gonzalo Eltesch est un écrivain chilien, né à Valparaíso. Collection privée est son premier roman.

Son histoire se situe à Valparaíso même, qu’il a quitté à l’âge de 5 ans, au moment où ses parents se sont séparés. C’est le retour dans sa ville natale et comme il parcourt les rues, seul, il distille pêle-mêle ses réflexions. Il procède par fragments, sans chronologie, et décrit des morceaux de vie qu’il tente de recoller : il passe de la vie d’adolescent seul avec sa mère, séparée depuis longtemps, à celle de l’enfance où ses parents étaient ensemble, et il y enchevêtre ses aventures amoureuses plutôt ennuyeuses.

Réalité ? Illusions ? « L’imagination, c’est comme se souvenir. Ou est-ce comme se confondre au souvenir ? » écrit-il.

Mélangeant fiction et biographie, il nous raconte sa propre famille et sa ville, « un Valparaíso enfermé dans un magasin de ventes d’antiquités. Mon Valparaíso à moi, comme une collection privée ». Il nous promène dans ses souvenirs et dans ses réflexions, passant d’une histoire à une autre, d’un épisode de vie à un autre, comme on se promène dans un magasin d’antiquités.

Dans sa narration se mêlent les souvenirs marqués par la séparation des parents, les cauchemars à cause des tensions familiales, mais aussi les traumatismes politiques des années Pinochet ou Videla.

« Une des rares choses que mes parents avaient en commun, je l’avais découverte dans ma jeunesse, et j’en avais honte : ils avaient voté ‟Oui” au référendum de 1988. C’est-à-dire qu’ils voulaient que Pinochet reste au pouvoir et que le Chili ne devienne pas un pays démocratique ».

L’écriture est un peu sèche et le ton détaché voire amer, rythmé par des événements parfois bien flous marqués par la séparation des parents et les tensions familiales qu’elle a pu engendrer. De l’ironie aussi ! Les paragraphes sont courts, ponctués de souvenirs mais aussi de questionnements sur l’écriture du livre et l’auteur les pose de manière directe.

Ses paragraphes enchaînent des sujets contradictoires qui l’obsèdent. Mais au bout de ses narrations, de ses pensées, au bout du livre, où est la vérité dans cette histoire ? Quels sont les personnages imaginés et les personnages réels ? De quoi se souvient vraiment le narrateur ? Est-ce que Gonzalo Eltesch n’utilise pas des mensonges pour mieux créer des souvenirs ? Cette famille existe-t-elle ou est-elle un prétexte à réfléchir à sa relation au père, à la mère, à son isolement ? Une famille imaginaire…

Alice