Le poète, le boxeur et la reine du printemps d’Hernán Rivera Letelier par Luis Samaniego

Hernán Rivera Letelier, L’autodidacte, le boxeur et la reine du printemps, traduit de l’espagnol (Chili) par François Gaudry, Métailié, 2023, 112 p. [El autodidacta, Alfaguara, 2019]

L’industrie minière est une activité indissociable de l’économie chilienne, qui représente le quotidien d’une importante partie de la population. Hernán Rivera Letelier parle de ce monde avec assurance, car il y a travaillé dans sa jeunesse, en même temps qu’il suivait des cours du soir pour apprendre à lire et à écrire. Poussé par sa passion pour l’écriture et s’inspirant de son vécu, il nous raconte, des histoires de villages miniers, un monde dur et très sensible aux évolutions du marché, seul décideur de l’implantation d’une mine, de la fondation d’un villageet de son abandon une fois les ressources épuisées.

Ce court roman d’une centaine de pages qui se déroule dans un de ces villages, suit le trajet d’un jeune poète, d’un boxeur prometteur et d’une jeune fille qui écrit des lettres à sa sœur décédée. C’est le futur aède qui nous raconte ses souvenirs et comment il s’est pris de passion pour la poésie, une passion tellement forte qu’elle dépasse son autre amour : le cinéma. Lecteur assidu de la bibliothèque du village, il suit, comme l’auteur lui-même, des cours du soir. La fatigue due à son travail de poseur de rails ne l’empêche pas de se consacrer à l’écriture de poèmes et de fantasmer sur Leda, la fille de la propriétaire de la pension où il mange quotidiennement.

Leda, consciente de ses atouts de jeune fille, confirmés constamment par les cadeaux des pensionnaires, se distrait grâce à une correspondance avec sa sœur, victime d’une mort tragique, mais non élucidée. Elle se prend d’affection pour Eleazar Luna, ce jeune écrivain timide et poli.

Le dernier arrivé au village, Rosario Fierro, transpire la virilité et la vantardise. Grâce à ses qualités innées de boxeur il obtient facilement un travail ainsi que l’estime des habitants du village nommé la Compagnie.

Les festivités du printemps doivent permettre à chacun des personnages de gagner la consécration dans leur art. Des matches de boxe ont lieu avant le couronnement de la Reine du printemps, fête finissant par le « Chant à la Reine » où le meilleur poème est lu par son auteur. Cependant, il s’avère que les victoires dans le désert sont trompeuses, tels des mirages. Parfois quelques défaites aident à mieux garder la tête sur les épaules.

Dans ses romans, Rivera Letelier revient constamment sur ses lieux d’inspiration. Ainsi, les personnages se croisent d’un livre à l’autre telle « la raconteuse de films[1] » ou la prostituée surnommée la reine Isabel[2]. Bien que la fin de toutes ces histoires soit plus vraisemblable qu’heureuse, nous ressentons l’envie de continuer à découvrir comment toutes ces vies parviennent à avancer dans des conditions si hostiles.

Luis Samaniego


[1] La raconteuse de films, Métailié, 2013

[2] La reine Isabel chantait des chansons d’amour, Métailié, 1997