La sexualidad es transgénero, Mari Paz Rodríguez, Grama Ediciones, Buenos Aires, Argentina, 2023 [Inédit en français]
Il s’agit d’un ouvrage différent de ce qu’on lit habituellement. Un texte sur la psychologie et la sexualité, sans doute, mais pas tout à fait. Dans cet ouvrage, Mari Paz Rodríguez nous fait traverser différents moments historiques de la psychanalyse, Freud, Lacan, Miller, la théorie queer, avec leurs approches respectives de la sexualité humaine et, plus particulièrement, de l’homosexualité. Avec une certaine dose d’humour, nous entrons dans le vif du sujet et comprenons que la sexualité est, encore aujourd’hui, un sujet très complexe à traiter.
Il existe autant de sexualités que de personnes. Et je ne pense pas qu’une théorie puisse expliquer pourquoi nous sommes tels que nous sommes. C’est pourquoi la description de l’autrice est si intéressante, nous expliquant comment toutes ces idées et théories se perdent dans la réalité au fur et à mesure que les sociétés progressent et changent, et avec elles ce que nous croyons au sujet du sexe, de la jouissance et du plaisir. Ces théories et mouvements deviennent bien souvent les adversaires de ce qu’ils ont eux-mêmes tenté de représenter. Les institutions psychanalytiques, quant à elles, sont devenues moralisatrices, hétéro-centrées et normalisatrices des comportements alors qu’elles auraient dû ouvrir les portes à de nouveaux paradigmes sociaux. Freud mort, les psychanalystes, la nouvelle puissance mondiale, les États-Unis, ont rejeté les postulats freudiens sur l’inconscient et l’homosexualité, éloignant la psychanalyse de ses fondements.
Le texte aborde ensuite les grands thèmes de la psychanalyse : le complexe d’Œdipe, la théorie freudienne, l’Œdipe féminin et les complexes familiaux de Lacan. La lecture est divertissante car jamais le livre ne devient purement théorique et c’est cette élasticité de l’écriture qui nous permet de réfléchir au fur et à mesure que nous avançons dans le texte. Après quoi, l’auteur s’attache à l’application des théories dans des cas cliniques d’homosexuels, et enfin, à quelques éléments qui dépassent les structures cliniques.
Je suis contente d’avoir lu ce livre, car j’ai pu revoir des notions qui étaient restées dans ma mémoire, dans les tiroirs de l’apprentissage scolaire. Déjà à l’époque, le sujet m’avait paru fascinant. Après avoir parcouru les théories du développement sexuel présentées dans ce livre, je ne peux que penser qu’il y a un besoin urgent de nouveaux modèles, de nouveaux concepts, d’une tempête d’idées sur ce que nous entendons par sexualité, homosexualité, plaisir, corps, jouissance, bien-être, relations familiales et tant d’autres choses encore. Je suis convaincue que le mot a un pouvoir considérable et que lorsque les grands moments de révolutions théoriques se produisent, c’est là que nous changeons en tant que société et que nous pouvons progresser. Nous sommes dans une période de grands chamboulements, mais le sexe et l’homosexualité restent un sujet tabou parce que nous n’en parlons pas ouvertement et quotidiennement. Surtout, ils ne peuvent être ni expliqués ni compris par ces théories dépassées. Nous avons besoin de nouveaux penseurs, de plus de psychologues, de débats et de diffusion sur le sujet.
Je ne peux m’empêcher de terminer par une réflexion que j’ai eue tout au long de ma lecture de La sexualidad es transgénero : envier le phalus ? Mmm, loin, s’en faut…
Sofía Linares Traiman
Traduction L’autre Amérique