Tonada de un viejo amor de Mónica Lavín par Mónica Castellanos

Tonada de un viejo amor, Mónica Lavín, Planeta, 2023 [Inédit en français]

Tonada de un viejo amor est le premier roman de Mónica Lavín, réédité en 2023 par Planeta, plus de deux décennies après sa première publication. Il s’agit de la première œuvre de cette autrice à la carrière importante et reconnue, et c’est un vrai bonheur de se plonger dans les premiers écrits de cette artiste.

On peut faire différentes lectures de Tonada de un viejo amor. L’une d’elles nous invite à considérer la liberté avec laquelle Cristina Velasco, une jeune femme de l’ère post-révolutionnaire[1] au Mexique, découvre et vit sa sexualité. Cristina ne mâche pas ses mots face à une société du nord du Mexique qui préfère la voir « vieille fille plutôt que mariée à un gringo qui n’a pas sa stature sociale »[2]. Dès la première page, nous savons que son oncle Carlos Velasco, son grand amour, meurt. La scène de l’enterrement est d’une intensité si forte que le lecteur n’est plus en mesure d’abandonner sa lecture. L’autrice nous apprendra que « Cristina se sent mal à l’aise dans sa sexualité »[3]. Cette phrase a une signification importante, surtout à une époque où les turbulences de la révolution font place à la construction d’une société où les femmes commencent à lutter pour obtenir la place qui leur revient. Dans sa « rencontre avec la sexualité », il y a une affirmation forte, c’est un véritable manifeste de la féminité.

D’autre part, l’oncle Carlos est un homme accommodant, qui n’a aucun problème à entretenir une relation intime avec sa nièce et à privilégier toutes les relations qui sont nécessaires au maintien de sa position privilégiée. C’est une autre lecture du roman : la transgression du médiocre, la rupture de ces normes étouffantes, aussi étouffantes que l’est la chaleur à San Lorenzo.

En contrepartie, le personnage d’Olga Fonseca, une femme qui se débat entre les obligations morales de sa conscience et le désir refoulé qui la pousse à plier le genou afin d’expier ses fautes, permet à l’autrice de montrer une société anesthésiée par des coutumes traditionalistes : des femmes qui passent leurs soirées à jouer au rami en attendant l’arrivée de leur mari, des hommes mariés qui s’amusent aux courses de chevaux et aux fêtes. Une société de « machos fougueux » qui boivent des Martinis.

Tonada de un viejo amor est raconté par une voix omnisciente à la troisième personne. Sa structure, à l’image de la vie, est celle d’un échiquier dans lequel les situations et les décisions prendront des pièces aux personnages et dans lequel, à la fin, nous pourrons découvrir quel sera le coup magistral de Cristina, « le sauvetage de sa reine », pour se libérer, non pas de Carlos, mais de son oubli. Ce roman est aussi un reflet de la résistance à l’oubli qu’est la littérature.

Mónica Castellanos

Traduction L’autre Amérique


[1] La révolution mexicaine de 1910 est une insurrection contre le gouvernement du général Porfirio Díaz. Ce mouvement armé cimentera les bases politiques du Mexique contemporain.

[2] Notre traduction.

[3] Notre traduction.