Limpia de Alia Trabucco Zerán par Violeta Lemus

Limpia, Alia Trabucco Zerán, Lumen, 2023 [Inédit en français]

Ce fut un vif plaisir de pouvoir découvrir l’œuvre littéraire d’une écrivaine engagée dans la mémoire et la cause des femmes, d’une grande pertinence dans le Chili d’aujourd’hui. L’œuvre d’Alia Trabucco Zerán, avocate de profession, est également importante si l’on veut connaître « la littérature des enfants »[1] : une manifestation littéraire qui cherche, par le biais de la fiction, à raconter les vicissitudes de la post-mémoire de la dictature de Pinochet, à travers les yeux des enfants qui ont grandi sous ce terrible joug en ignorant sa terreur et ses inégalités.

Limpia traite des problèmes des femmes du sud du Chili qui, pour échapper à la pauvreté, se rendent à la capitale à la recherche d’un emploi. L’intrigue, à première vue, paraît simple, ce qui est l’un des objectifs recherchés par cette littérature féminine actuelle : celle-ci, s’attache en effet, à partir de personnages apparemment anodins et d’histoires ordinaires, à montrer la complexité de l’esprit et des actions des femmes, en particulier dans des situations désespérées et face à la solitude et à une terrible pression sociale.

Une Provinciale pauvre est engagée pour faire le ménage dans la maison d’une riche famille, un sujet qui peut sembler banal mais qui donne lieu à toutes sortes de réflexions, à l’instar du film Roma (2018) d’Alfonso Cuarón. Et si l’héroïne, Estela, n’était pas la servante candide et dévouée qu’elle paraît être ? Et si la famille Jensen López, pour laquelle elle travaille, n’était pas au-dessus de tout soupçon, cachant même de terribles secrets ?

Limpia, à partir de la simplicité de son intrigue et à travers un réseau de situations fortes et complexes, parvient à susciter notre engouement, tout en remettant en question certains de nos jugements de valeur.

À ce drame aux situations extrêmes, émaillées de détails laissés à l’attention du lecteur, s’ajoute la question du meurtre : un sujet qui intéresse l’autrice et qu’elle a développé dans son précédent roman, Las Homicidas (2019). Les gens, semble-t-il, préfèrent voir des femmes assassinées plutôt que des meurtriers, avait-elle déclaré en connaissance de cause. C’est précisément avec des romans comme Limpia que les lecteurs de littérature « facile » auront une chance d’échapper à leur léthargie et de s’interroger sur l’éthique et la morale dans une société patriarcale, ce que les auteurs chiliens, assurément, savent faire avec un indéniable talent.


[1] Le terme en espagnol est la literatura de los hijos.

Violeta Lemus

Traduction L’autre Amérique