Le livre de la désobéissance de Rafael Courtoisie (Uru) par Antoine Barral

Le livre de la désobéissance, Rafael Courtoisie[1], traduit de l’espagnol (Uruguay) Jacques Aubergy, Editions L’atinoir, Marseille, 2021, 180 p.  [El libro de la desobediencia, Editorial HUM, Montevideo, 2017, 180 p.] 

Ce livre fait penser par moments aux Mains dessinant de M.C. Escher, œuvre bien connue dans laquelle sur une feuille de papier deux mains tenant chacune son crayon se créent mutuellement sans que l’observateur puisse dire laquelle est la « vraie », celle qui commande à l’autre ou celle qui obéit. 

Rafael Courtoisie prend plaisir à bousculer les codes et les normes des différents genres littéraires pour les dépasser en mêlant roman d’aventures, conte philosophique, poésie, essai, érotisme et humour, grâce à une narration habile dans laquelle le poète Okoshi Oshura est à la fois « dedans » et « dehors », tantôt interpellant le lecteur, tantôt pris à partie lui-même par les personnages impatients, impertinents, désobéissants, du livre qu’il est en train d’écrire et dans lequel lui-même joue un rôle. « Moi, Okoshi Oshura, j’ignore ce que savent ces personnages, j’ignore ce que je vais écrire. Cette histoire me désobéit, elle s’écrit toute seule, à sa fantaisie… ». 

Dans un Japon médiéval fantastique où volent des serpents ailés et des ours mutants, la poétesse lesbienne Miniki règne sur une forteresse, un nid d’aigle, où est installée son Académie, et ses disciples, poétesses et amantes, sont également rompues à tous les arts martiaux des guerriers ninjas, ainsi qu’à la magie et à la voyance. Sur ce pays règne un empereur sanguinaire et stupide, au service duquel le poète Okoshi Okura survit en écrivant des œuvres de commande, dans lesquelles il n’hésite pas à glisser des piques et des doubles sens qui échappent à la censure. Okoshi reçoit de l’empereur, à travers une cascade de sous-fifres, la commande d’un livre sur les monstres du Japon, et parallèlement il travaille à une œuvre personnelle, « Le livre de la désobéissance ». Dans ce livre, Miniki tombe sous le charme de Tanoshi, la favorite de l’empereur, et décide de l’enlever. Avec l’aide de ses disciples, les poétesses-ninjas, elle organise une opération militaire digne d’un manga ou d’un dessin animé pour ramener Tanoshi dans sa forteresse-académie. Furieux, l’empereur va tout faire pour se venger ! 

Diverses péripéties cocasses en découleront, et on se laisse volontiers emporter par ce texte émaillé de clins d’œil, d’aphorismes, d’allusions, de jeux de mots interculturels et d’anachronismes volontaires qui ajoutent à la jubilation de la lecture… 

Antoine Barral


[1] Rafael Courtoisie est né à Montevideo en 1958. Il a fait des études scientifiques en chimie et en mathématiques. Il est romancier, poète, essayiste, scénariste, journaliste et enseignant. Il a été professeur dans diverses universités, tant en Uruguay qu’aux États-Unis, et en Grande-Bretagne. Il est membre de l’Académie des Lettres uruguayennes. Sa poésie lui a valu de nombreux prix dans divers pays, de même que certaines de ses nouvelles, et certains de ses romans. Une partie de ses œuvres ont été traduites en anglais, en français, en italien, en roumain, en turc… En France son roman Saint Remède (2009) est publié aux éditions L’Atinoir, ainsi que Le roman du corps (2019), et Le livre de la désobéissance (2021), autant de traductions de Jacques Aubergy, tout comme le recueil bilingue de poésie Anthologie invisible en 2021.