Ce-Acatl : une maison d’édition indépendante du nouveau millénaire mexicain par Juan Anzaldo Meneses

Noachtota’huan oqui’tocaque noyolixtech intla’tol ihuan

intechcopa oniczalo nictlazo’tlaz ihuan nicmahuizpiaz

mochi intlen nechyahualoa. 

« Mes aînés ont semé dans mon âme leur langue

et ils m’ont appris à aimer mon milieu, la nature. »

J. Concepción Flores Arce (Xochime)

Version en espagnol

A la fin du XXè siècle, et à la veille de la célébration des 500 ans du voyage de Christophe Colomb, un mouvement social à l’échelle du continent a manifesté clairement son refus de commémorer « la hispanidad » d’une partie importante du monde, sans faire allusion aux atrocités commises. La réponse au Mexique fut la création du « Conseil Mexicain 500 ans de résistance indigène, noire et populaire » (Consejo Mexicano 500 años de Resistencia Indígena, Negra y Popular). Dans chaque pays du continent, les peuples indigènes ont fait connaître leurs revendications. Cela a donné lieu à une multitude d’expressions et de références que nous avons faites nôtres.

© Revue Ce-Acatl DR

La revue Ce-Acatl fut créée dans ce contexte, le 18 octobre 1990. Son nom en nahuatl signifie « un-roseau ». Dans le calendrier aztèque, et dans la cosmogonie mésoaméricaine[1], cette date représente le début et la fin de notre ère. « Un-roseau » est un concept également lié à Quetzalcóatl, divinité créatrice pour les peuples mésoaméricains associée à l’étude et à la connaissance.

Sept fondateurs ont conçu avec un grand enthousiasme la revue Ce-Acatl non pas en tant qu’entreprise, mais comme une association de citoyens. Un de leurs principaux objectifs était de devenir un lien entre personnes, peuples, communautés, organisations indigènes et groupes culturels de tradition aztéco-chichimèque[2].

Depuis la création de la revue, nous souhaitons faire connaître et promouvoir la culture et la conception du monde des anciennes civilisations, ainsi que la situation actuelle des peuples indigènes en prenant en considération les événements récents et à venir.

De plus, nous encourageons une réflexion sur leur histoire, racontée et interprétée du point de vue de ces peuples en question et non uniquement à travers la version des conquistadores et des chroniqueurs ou des versions académiques et institutionnelles avec leurs propositions contemporaines.

En effet, nous voulons mettre en avant les contributions de la civilisation mésoaméricaine et de ses descendants au monde actuel, monde qui est profondément affecté par une crise sociale et écologique. Les principes et les valeurs de ces anciennes cultures pourraient bien se présenter comme une alternative civilisatrice.

C’est pour cette raison que nous mettons en avant l’étude et l’utilisation du calendrier aztèque[3], l’étude des plantes médicinales et d’autres connaissances traditionnelles utiles pour la santé, ainsi que les cycles naturels pour la production agricole. Leur conception de la Terre-Mère implique la protection et la conservation de notre environnement. Cette idée est complètement en opposition avec la vision utilitariste et mercantiliste du capitalisme occidental  qui considère la nature comme une « ressource » à exploiter ou une « marchandise » dans le processus d’accumulation de capital.

© Revue Ce-Acatl DR

La revue Ce-Acatl a été publiée tous les vingt jours, selon le calendrier aztèque[4], de 1990 à 2005. Nous avons publié des centaines d’articles sur l’étude, la recherche, la promotion et l’enseignement de la langue et la culture nahuatl. De surcroît, nous avons créé des brochures, des jouets, des méthodes de langue nahuatl écrites notamment par José Concepción Flores Arce (Xochime’) et par Esperanza Meneses. Nous avons également publié beaucoup d’autres auteurs qui ont écrit sur la culture, l’art, la danse et l’histoire.

Nous avons consacré des publications entières à l’autonomie et aux droits des indigènes, aux mouvements de revendication de la Campagne Continentale et au Conseil Mexicain 500 ans de Résistance Indigène qui ont conduit à une marche massive sur la ville de Mexico en 1992.

Dans les pages de ces publications furent compilés les événements et les propositions exprimées lors du soulèvement de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) en janvier 1994, ainsi que les négociations avec le gouvernement fédéral, qui ont donné lieu aux accords de San Andrés puis à la constitution du Congrès national indigène.

En même temps, nous avons créé des projets radiophoniques sur les mêmes thèmes. Parmi les radios libres qui ont retransmis nos contenus nous pouvons mentionner : Radio Educación, Radio UNAM, Radio Ciudadana.

C’est grâce à la collaboration avec José Concepción Flores Arce, (Xochime’) que nous avons abouti à l’édition du poème bilingue nahuatl-espagnol « Atzomolco, le lieu d’où jaillit l’eau ». Nous avons participé avec ce projet au concours international organisé par la radio allemande Deutsche Welle, et nous avons gagné le premier prix. Ensuite, nous avons été invité au Salon international du livre de Francfort en 1995.

Depuis, nous avons augmenté le nombre de publications en suivant diverses lignes éditoriales : la langue et la culture nahuatl, l’autonomie et les droits indigènes, les mouvements sociaux. Loin de vouloir « remporter le marché », nous produisons à la demande. Nous travaillons avec des personnes ou des organisations qui partagent cette idée de construire un monde nouveau.

Pour cette raison, nous pensons que la communauté indigène contribue, avec ses principes et ses valeurs, à faire émerger d’autres façons de produire afin de protéger notre environnement et de contrecarrer la sauvagerie irrationnelle du capitalisme, qui impose une relation malsaine entre les personnes, les peuples et les nations.

Nous vous invitons à découvrir nos publications sur notre site web.

Traduction L’autre Amérique


[1] Mésoamérique : région allant du Nord du Mexique au Costa Rica. Dans ce vaste territoire habitèrent les Aztèques, les Mayas et d’autres civilisations précolombiennes. (NdR.)

[2] Nom des peuples semi-nomades du nord du Mexique à l’époque précolombienne. Terme péjoratif qui pourrait se traduire par barbare. (NdR.)

[3] Le calendrier aztèque est régi par des cycles agricoles. (NdR.)

[4] Dans ce calendrier, une année  était composée de 18 mois de 20 jours chacun et de 5 jours supplémentaires d’introspection. (NdR.)