Le Poisson dans l’eau de Mario Vargas Llosa par Juan Quintana

Une de trois critiques primées lors du concours des Alliances Françaises du Pérou.

Mario Vargas Llosa, Le Poisson dans l’eau, traduit de l’espagnol (Pérou) par Albert Bensoussan, Gallimard, 1995, 512 p., 24,80 € [El pez en el agua, Seix Barral, 1993]

© Gallimard DR

Écrit par Mario Vargas Llosa, Le poisson dans l’eau (1993) est axé sur le récit autobiographique de la candidature présidentielle de Vargas Llosa lors des élections de 1990 et sur des passages de sa vie depuis son enfance jusqu’aux événements phares qui aboutiront à sa vocation d’écrivain et d’intellectuel engagé, tels que son premier voyage à Paris et le départ en Espagne à la fin des années 1950. 

Cet ouvrage au style littéraire vargallosien tisse les deux axes du roman, qui alternent au cours des premiers chapitres, mais qui s’entremêlent vers la fin du livre malgré leur écart temporel. De fait, Le poisson dans l’eau devient le creuset au sein duquel se côtoient le va-et-vient des affaires politiques de la vie adulte, le bouleversement provoqué par l’apparition d’un père qui l’élève avec une main de fer, la course électorale acharnée lors des présidentielles péruviennes de 1990. On découvre ses premiers pas de journaliste en parallèle de ses études secondaires, la traversée du désert en matière politique et son exil intellectuel en Europe après la défaite sur le terrain électoral, son mariage avec sa tante, et cet ardent désir naissant pendant ses études qui le pousse à se rendre à Paris coûte que coûte afin de devenir un vrai écrivain. 

Vargas Llosa fait un travail magistral en intégrant le lecteur au tissu de cet ouvrage dont les fibres sont des morceaux de vie grâce auxquels l’écrivain a érigé un autre univers fictionnel issu de son âme même, et qui pourrait être parcouru sans qu’on ait nécessairement lu tous les romans précédents. Le poisson dans l’eau pourrait être compris comme l’aboutissement tantôt de sa vocation liée à l’engagement politiquement raisonné et critique envisageant le Pérou à travers l’épanouissement de ses habitants, tantôt de sa passion acharnée qui le poussera à devenir un écrivain hors pair. De surcroît, ces deux points-ci sont assez évidents au cours des derniers chapitres, lorsque Vargas Llosaréfléchit non seulement aux raisons de sa défaite électorale, mais aussi à l’importance de promouvoir la culture et la pensée critique au Pérou afin de mieux former les générations futures. 

Dans le cas où le lecteur se serait déjà réjoui de la plupart des ouvrages issus de l’imagination du prix Nobel de littérature péruvien, Le poisson dans l’eau pourrait être une feuille de route lui permettant de mieux comprendre la vaste production intellectuelle vargallosienne. Pourtant, cela pourrait être aussi un voyage narratif en tant que tel, donnant du plaisir intellectuel et imaginatif hors normes.

 Juan Quintana

Alliance Française Miraflores