Les Vilaines de Camila Sosa Villada par Luis Samaniego

Camila Sosa Villada, Les Vilaines, traduit de l’espagnol (Argentine) par Laura Alcoba, Métailié, 2021, 208 p., 18,60 € [Las malas, Tusquets, 2020]

© Éditions Métailié DR

D’emblée, le livre de Camila Sosa Villada pourrait nous faire penser à un autre récit autobiographique sur la différence, Avant la nuit de l’écrivain cubain Reinaldo Arenas. L’écriture de ce premier livre représente pour Sosa Villada une forme de renaissance, alors que le roman de Reinaldo Arenas marquait la fin de sa carrière, avant qu’il ne se suicide. Malgré cela, les deux récits se rejoignent dans leur souhait de témoigner de l’acharnement de la société contre ceux qui sont différents et qui ne se plient pas aux conventions sociales. 

Il en est de même dans le roman d’Enrique Serna, La Double vie de Jesús, qui introduit un personnage  transgenre dont le héros tombe éperdument amoureux. Le récit de Serna nous ouvre les yeux ; les personnes transgenre existent bien, mais c’est notre hypocrisie qui nous empêche de les voir et de les accepter. Camila Sosa Villada met en évidence cette hypocrisie,  à laquelle faisait déjà allusion Serna. Il ne peut pas en être autrement, car les souffrances qu’elle décrit dans son livre ne sont pas fictives. 

Dans Les Vilaines, les personnages transgenre ne font pas seulement partie d’un passage sordide de l’histoire du héros, au contraire, c’est  dans le milieu de la transsexualité que le protagoniste évolue. Cela donne une perspective nouvelle : c’est un recadrage salutaire que d’écouter l’autre. 

Les Vilaines est un roman d’une grande force, car Christian Omar, avant d’être Camila, se bat contre sa famille, la société et la nature pour être accepté en tant que femme. De surcroît, elle entre et sort du monde de la prostitution et finalement, elle parvient à mettre des mots sur les traumatismes de sa vie. 

On pourrait penser que le poids de la réalité prendrait le pas sur les qualités littéraires. L’écriture est simple, mais claire et sans artifices, pour ne pas détourner l’attention de ce qui est important. C’est un témoignage qu’il fallait écrire pour nous dire en face que les personnes transgenre ont toujours existé et font partie de la société, que vous le vouliez ou non.

Luis Samaniego