Daniel Saldaña París, Plier bagage, traduit de l’espagnol (Mexique) par François Gaudry, Métailié, 2021, 192 pages, 18 € [El nervio principal, Sexto piso, 2018]
À Mexico, un matin de l’été 1994, Teresa, quitte la maison en laissant une lettre sur la table de nuit. Le narrateur, son fils de dix ans, tente de surmonter son absence en s’enfermant littéralement dans le placard de sa chambre pour résoudre des histoires à énigmes. Il s’adonne également de manière frénétique à l’art de l’origami mais avec des résultats toujours médiocres. C’est que les deux bords de papier ne se joignent jamais parfaitement, tout comme la réalité et son interprétation fantasmée d’enfant ne peuvent pas coller. Lassé de plier et déplier sans jamais trouver d’explication, il décide de partir seul à la recherche de Teresa jusqu’aux confins du Chiapas.
Par l’entremise du narrateur devenu adulte, Daniel Saldaña París convoque le regard qu’avait l’enfant au moment des faits pour comprendre la disparition de sa mère. C’est là que résident la beauté et la singularité de ce roman. Le lecteur est plongé dans les pensées et dans les théories farfelues de l’enfant dont la lecture du monde environnant témoigne d’un humour doux-amer – à l’image du portrait qu’il fait de son père comme « un élément parmi d’autres de l’infrastructure domestique, une sorte d’hybride d’animal de compagnie et d’appareil ménager » –, mais aussi de grandes désillusions.
L’auteur, considéré comme l’un des meilleurs de sa génération, réussit à aborder en filigrane et avec subtilité des sujets sensibles comme l’impossible communication au sein d’une famille, la solitude et l’incompréhension liées à l’enfance. Il brosse au fur et à mesure des pages un portrait de femme complexe. Teresa est en effet tiraillée entre le carcan du modèle familial patriarcal et l’appel des idéaux politiques : son déséquilibre n’est pas sans rappeler celui de tout un pays au moment du soulèvement de l’armée zapatiste de libération nationale.
Julie Werth