El fragmento impertinente de Ethel Krauze par Mónica Castellanos

Version en espagnol

Ethel Krauze, El fragmento impertinente, Typotaller & Paraíso Perdido, 2021, 104 p. [Inédit en français] Mexique

El fragmento impertinente[1]le titre du nouveau livre de la célèbre écrivaine Ethel Krauze, publié par Typotaller et Paraíso Perdido en octobre 2021 au Mexique. 

Le livre commence par la nouvelle « En carretera »[2] Ethel Krauze précise le chemin le long duquel elle va emmener le lecteur : un univers tout en rondeur qui s’ouvre sur cette phrase : « J’ai toujours voulu mordre une pêche mûre entre les jambes d’une femme. Lentement, avec mes lèvres, et me tremper dans sa pulpe juteuse » et qui se referme sur : « Et puis, l’inévitable arriva », la dernière phrase de la dernière nouvelle, intitulée « El hombre que hablaba con los pájaros »[3]

Entre ces deux images puissantes, Ethel Krauze construit les intrigues, en bonne tisseuse d’histoires, d’une vingtaine de nouvelles parfaitement brossées. Des pages peuplées de voix féminines qui cherchent à se comprendre, qui ressentent, désirent et jouissent de la satisfaction de leur désir. 

« El fragmento impertinente », la première nouvelle, qui donne son titre au recueil, est ce fragment précis, insidieux, parfois inopportun, qui nous rappelle qui nous sommes. 

Dans les premières histoires, Ethel Krauze explore le désir sous diverses formes. Faisant écho aux mots du psychanalyste français Jacques Lacan : « Ce n’est pas toi, c’est ce que mon désir invente en toi », l’autrice nous conduit de manière magistrale dans les différentes possibilités du désir. Les images proposées font battre notre pouls.

Dans les nouvelles suivantes, la violence surgit. Ce sont des histoires troublantes. Le lecteur ne restera pas indifférent à cette trame composée de tous les fils qui tissent la meilleure littérature. 

Ethel Krauze a déclaré dans divers forums que « les problèmes des femmes sont les problèmes de tout le monde, ce sont des problèmes de société et l’écriture est le moyen idéal pour les hommes d’entrer dans cette compréhension ».

Dans « La pregunta de M. »[4], la voix féminine nous dit : « J’essayais de comprendre, et cela prend tout le temps du monde. » Par conséquent, la caractéristique la plus remarquable de  El fragmento impertinente est la combinaison du désir externe, de la sensualité et de la réflexion interne, de la compréhension de soi.

Ethel Krauze déploie un énorme arsenal de ressources pour enrichir sa prose poétique. Elle en connaît les mécanismes. Elle utilise autant les fruits, les animaux et les plantes, que les symboles qui leur sont associés : une pêche, le raisin qui parcourt le corps, l’odeur de goyave collée à la jupe. Les yeux verts de figue de barbarie ; des coquillages, des colibris à gorge rubis ou un concombre de mer. Des ficus à fleurs obscènes, des jacarandas, des azalées, des tulipes ou des bougainvilliers.

« Il n’y a pas de femme sans sa métaphore » nous dit-elle dans « La página que falta»[5]. Et dans l’inventaire des femmes, elle nous plonge dans ce défilé de regards à la Modigliani et de courbes à la Botero, « de l’odeur de sel des aisselles ou du langage fleuri des cheveux gris pour avertir d’une beauté jusque-là interdite par les préjugés et les conventions ».

Si, comme disait Gustavo Adolfo Bécquer, « L’âme qui parle avec les yeux peut aussi embrasser avec le regard », dans El fragmento impertinente, il y a des regards et il y a des baisers qu’il ne faut pas laisser passer. Des regards et des baisers que je vous invite à lire.

Mónica Castellanos

Traduction L’autre Amérique 


[1] « Le fragment impertinent »

[2] « En chemin »

[3] « L’homme qui parlait avec les oiseaux »

[4] « La question de M.»

[5] « La page manquante »


Aquellas horas que nos robaron de Mónica Castellanos par Élmer Mendoza