Confesión de Martín Kohan (Arg) par Luis Samaniego

Confesión, Martín Kohan, Anagrama, 2020, 200 p. [Inédit en français]

« Le Dr Mesiano me poussait à approfondir mes connaissances

 de l’histoire de l’Argentine et à en tirer mes propres conclusions. » 

Le conscrit, M. Kohan, Seuil, 2012

Trois récits où l’intime et l’histoire de l’Argentine s’entremêlent. Mirta López se souvient de la passion intense qu’elle ressentait en présence d’un jeune homme, Jorge Rafael Videla, qui deviendrait plus tard chef d’État. À une trentaine d’années de distance, s’ensuit le récit des préparatifs d’un attentat fomenté par un groupe clandestin opposé au gouvernement. Le livre se referme dans une maison de retraite où Mirta López confesse à son petit-fils certains événements jamais dévoilés de l’histoire de leur famille.

Tout commence quand Mirta adolescente assiste à la messe pour s’approcher de la famille Videla, qui ne manque jamais d’y aller. Lors de ses confessions au prêtre Suché, la jeune fille parle des sensations qu’elle éprouve à la vue du jeune Videla. Pour son confesseur, le désir de Mirta est répréhensible et il le considère comme l’œuvre du diable, car il en déduit que Mirta doit se masturber. En revanche, pour le lecteur, ce désir n’est pas la cause du malaise, mais son objet, à cause de l’identité du futur dictateur, responsable de la répression politique, des tortures et des disparitions. 

Dans la première partie, le récit mêle des réflexions sur le Río de la Plata et sa relation avec la ville, ce grand courant d’eau mal compris qui est en fait un estuaire aux multiples ramifications et aux eaux troubles. En haut, à la surface, se trouve le plan quadrillé de Buenos Aires et en-dessous, des affluents du Río de la Plata qui ne suivent pas le tracé de l’homme, mais qui ont à défaut été canalisés. Ces canaux d’eau souterraine sont aussi le fil conducteur de la deuxième partie du roman où le lecteur découvrira qu’une descente aux enfers ne se fait pas toujours vers les profondeurs…

Pour expier les péchés qu’elle lui a confessés, le prêtre demande à Mirta de réciter un nombre déterminé de « Notre Père » et de « Je vous salue Marie ». Elle obéit et répète les prières, mais sans conviction. Dans la répétition de sa pénitence, peu à peu les mots se détachent de l’ensemble en perdant leur sens. Ce procédé d’écriture est repris dans le troisième volet où Mirta et son petit-fils jouent aux cartes. 

En fait, les visites à la maison de retraite sont rythmées par un jeu de cartes appelé el truco où les joueurs doivent annoncer leurs décisions en prononçant des mots codés, comme dans une cérémonie. Le grand nombre de parties enchaînées fait que les mots prononcés perdent, telles les prières, toute signification. Dans tous les cas, il s’agit d’une double confession, celle qui est faite au petit-fils étant plus ample et plus sincère que celle qui fut faite au prêtre Suché où le repentir n’était pas au rendez-vous. Mirta joue-t-elle à ce jeu en forme de pénitence à cause d’un péché secret ?

Luis Samaniego