La vie pieds nus de Alan Pauls (Arg) par Alice

La vie pieds nus, Alan Pauls, traduit de l’espagnol (Argentine) par Vincent Raynaud, Christian Bourgois, 2007, 128 p. [La vida descalzo, Editorial Sudamericana S.A., 2006] 

Ce livre est plus un essai qu’un roman. Le sujet est original. Il parle de la plage, de son histoire, il interroge sur le sens à donner à ce lieu particulier. Il fourmille des réflexions et des souvenirs que génèrent pour Alan Pauls ces vastes étendues de sable. Souvenirs personnels ponctués de photos de son enfance et de pages blanches qui rythment chaque chapitre et donnent une note intimiste à ses propos. 

Alan Pauls est Argentin, né à Buenos Aires en 1959. Il est écrivain, professeur, traducteur, scénariste, critique de cinéma et a publié un essai sur Borges, plusieurs nouvelles et des romans. Son œuvre est traduite et publiée chez Christian Bourgois.

Dans La vie pieds nus, son ton est à la fois sérieux et humoristique pour nous livrer une analyse très rigoureuse ponctuée de nombreuses références cinématographiques (Ozon, Antonioni, Rohmer, Fellini, Spielberg… Mais aussi James Bond), littéraires (Cortázar, Camus, Diderot, Proust…) et poétiques (Brassens, Gainsbourg, chanteurs poètes). C’est à travers toutes ces références qu’il nous livre sa vision philosophique, sociologique, politique, érotique, ses souvenirs et ses rêveries et qu’il décrit les images autour de la plage. 

Cet ouvrage contient aussi son regard culturel, social et l’influence de la politique sur les arts et la culture dans l’Argentine des années 1970. Histoire et mémoire s’entremêlent, sa mémoire d’enfance et sa construction personnelle, le présent et le passé, les traces de ses souvenirs dont les photos illustrent la réalité et transmettent des émotions. Le lecteur y perd la notion de la fiction et du réel, il est embarqué dans la rêverie. Le sable de la plage est comme un écran où se projettent des images reflétant ses états d’âme et ses réflexions.

« La plage, écrit Pauls, est un lieu vide de références intellectuelles. »

Mais pour Alan Pauls l’écriture devient le lieu de confrontation de l’écrivain avec lui-même ; par elle, il dévoile son intimité et nous révèle sa personnalité. Elle a un pouvoir thérapeutique.

Coup de théâtre du dernier chapitre : une chambre d’enfant, un enfant malade qui voudrait aller à la plage par une journée pleine de soleil mais qui doit rester couché, qui pense à tout ce qu’il va manquer, s’installe dans une semi-obscurité avec un livre et prend plaisir à ces heures de lecture dans la pénombre.

« Il comprend que ce livre est un autre lieu qui incarne une forme parfaite de bonheur et que, comme l’a écrit quelqu’un qu’il relira vingt ans plus tard, quand il ne sera plus momentanément mais chroniquement malade et qu’il sera uniquement en mesure de faire la seule chose qu’il veut faire, c’est-à-dire, s’user les yeux à lire, les jours de notre enfance que nous vécûmes le plus intensément sont ceux que nous pensions avoir laissé filer sans les vivre, ceux que nous passâmes en compagnie du livre pour lequel plus tard, une fois complètement oublié, nous serions prêts à tout sacrifier. »

Alan Pauls nous promène ainsi de la plage à la chambre, de l’image et des photos au livre, et d’un essai nous plonge dans un roman.

Alice