L’autre femme de Mercedes Rosende (Uru) par Antoine Barral

L’autre femme, Mercedes Rosende[1], traduit de l’espagnol (Uruguay) par Marianne Millon, Quidam éditeur, 2022 [Mujer equivocada, Editorial HUM/Estuario, colección « Cosecha roja » Montevideo, 2017, 180 p.]

Le titre original du livre joue sur l’ambigüité de l’expression « mujer equivocada » qui peut signifier que cette femme est « celle qui commet une erreur » ou « celle qui est prise pour une autre », car Ursula Lopez va être les deux à la fois. 

Ursula est grosse, très grosse, trop grosse, et cela lui empoisonne la vie depuis l’enfance. Dans la rue les gens la regardent et font des commentaires dans son dos. Elle fréquente un groupe d’obèses anonymes qu’elle méprise. Diverses cures d’amaigrissement l’ont ruinée sans succès durable. Elle vit hantée par le souvenir de son père et obsédée par le bruit des talons de sa voisine d’au-dessus. Ursula a une jeune sœur, Luz, belle et mince, mariée à un homme riche et vivant dans un beau quartier, alors qu’elle-même vit dans un immeuble de la vieille ville de Montevideo. Les deux sœurs partagent une histoire familiale compliquée, chargée de secrets et de zones d’ombre. C’est à quelques allusions que le lecteur apprend que leurs parents et leur tante ont peut-être bien été assassinés. 

Un jour le téléphone sonne chez Ursula et un inconnu lui annonce avoir enlevé son mari, puis lui donne rendez-vous dans un bar pour exiger une rançon. Le kidnappeur s’avère être un dilettante un peu trop bavard et naïf, auquel Ursula va omettre de dire qu’elle n’a jamais été mariée ! Elle finit par comprendre qu’elle est victime d’une homonymie et prend contact avec l’épouse, qui semble peu pressée de récupérer son mari, mais veut bien payer une rançon pour une tout autre raison ! Forte de sa situation d’intermédiaire fantôme, à l’insu des deux parties, Ursula va essayer de tirer le meilleur parti, pour elle, de cette situation digne d’un roman de Tom Sharpe, où s’accumulent mensonges et quiproquos ! 

Le livre est découpé en sept journées et un épilogue « un mois plus tard ». L’intrigue astucieuse et bien ficelée, l’humour grinçant, l’originalité de ce roman noir au dénouement surprenant, en font une lecture réjouissante.

Antoine Barral


[1] Mercedes Rosende est une juriste uruguayenne née à Montevideo en 1958 : spécialiste en processus électoraux, elle a effectué des missions d’observation dans de nombreux pays, notamment en Haïti. Elle a également été syndicaliste, enseignante, et chroniqueuse dans divers média. Elle est aussi francophone et amoureuse de la France. Ses livres lui ont déjà valu d’être invitée par divers festivals de littérature policière en Argentine, en Espagne, en Colombie, et aux Quais du polar à Lyon en avril 2022. Elle a été primée en Uruguay et en Argentine. Son œuvre se caractérise par un ton sarcastique, un humour noir et une certaine liberté vis à vis des codes du genre policier.