La ville invincible de Fernanda Trías (Uru) par Antoine Barral

La Ville invincible, Fernanda Trías[1], traduit de l’espagnol (Argentine) par Nathalie Serny, Éditions Héliotropismes, 2020, 140p. [La Ciudad invencible, Editorial HUM, Montevideo, 2015, 90 p.] 

Un court roman qui en dit pourtant long sur l’Amérique latine au début du vingt-et-unième siècle. La narration à la première personne, la force des émotions exprimées et le réalisme des situations font l’attrait de ce récit très actuel des tribulations d’une Uruguayenne à Buenos Aires au temps des Kirchner. Déménageant souvent ses quelques affaires de chambre partagée en appartement prêté, de quartier en quartier, cohabitant ou voisinant avec tous les immigrants de la mégapole, (fleuristes péruviens, marchands de fruits paraguayens, Delmira la Bolivienne, ou Marita la Portoricaine unijambiste), elle survit en lisant des manuscrits pour des éditeurs ou en faisant des sous-titres pour la télévision. Son premier signe de richesse sera un matelas personnel qu’elle transporte tant bien que mal entre deux domiciles provisoires, où elle passe de longues journées, enfermée seule, ou à boire et bavarder avec quelques amis. Elle erre aussi de flirt homo en flirt hétéro, sans vraiment s’attacher. Elle reste à Buenos Aires aussi car elle est en procès contre un homme surnommé « La Rata », qui quelques mois plus tôt a tenté de l’étrangler. La mort de son père à Montevideo sera un autre moment fort du récit, et l’occasion d’un aller-retour entre les deux rives du Río de La Plata. 

Ce petit livre nous plonge dans Buenos Aires, ville étouffante en été et glaciale en hiver, dont les différents quartiers, les rues, les parcs et les autres lieux dessinent à travers l’histoire un véritable plan de la ville. On trouve aussi le dédale de chenaux du delta du Tigre un jour de pique-nique entre amis, et le bleu des fleurs des jacarandas sur les trottoirs et les chaussées. 

Antoine Barral 


[1] Autrice cosmopolite et polyglotte, promise à un grand avenir, Fernanda Trias est née à Montevideo en 1976. Elle vit aujourd’hui en Colombie où elle est enseignante universitaire, après avoir séjourné notamment en Argentine, en France (boursière de l’UNESCO en 2004), en Allemagne, aux Etats Unis, au Chili… Ses textes ont été publiés dans divers pays hispaniques : Cuaderno para un solo ojoLa azotea y le recueil de nouvelles El regreso. Pour La azotea elle a reçu le troisième Prix national de Littérature en Uruguay en 2002. La Ciudad invencible a déjà été publié en 2013 et 2014 (Espagne et Chili) avant de l’être en Uruguay en 2015, et en France en 2020 chez Héliotropismes, dans une traduction de Nathalie Serny.