Camilo Bogoya, Dédalo, Universidad de Antioquia, 2020 [Inédit en français]
Flora est une jeune étudiante, kidnappée et retenue prisonnière dans la banlieue de Bogotá. Horacio, le père de Flora, ancien professeur de grec et libraire spécialisé en livres anciens, fera de son mieux pour la sauver même s’il lui faudra faire appel à un ex-militaire douteux. Le salut de Flora n’empruntera pas le chemin le plus court, car il est difficile de sortir du labyrinthe. Ses sauveurs devront donc concevoir une stratégie complexe pour y accéder et, surtout, en sortir vivants.
Dès les premières pages, nous sommes plongés dans la mythologique grecque, les constantes mésaventures de Dédale, qui nous aident à mieux comprendre la complexité des problématiques en Colombie. Pourtant, à la fin, nous avons l’impression que le rapport s’inverse : toutes les inventions et le caractère tragique du destin de Dédale ne sont pas compréhensibles sans la contrepartie colombienne du roman. Pour cette raison, ce roman peut être lu comme un jeu de miroirs entre les mythes grecs et des personnages archétypaux de la Colombie contemporaine. Par exemple, la relation de paternité entre Horacio et Flora ressemble à celle de Dédale et son fils Icare. Dans les deux cas, le rôle du deuxième parent reste très secondaire, voire insignifiant. Horacio et Dédale se rejoignent principalement dans leur souhait de transmettre des connaissances, bien que, de manière inconsciente, ils véhiculent les peurs des disgrâces passées. Cependant, malgré leurs efforts, celles-ci continuent d’avoir lieu. Mais qui a pu créer les pièges terribles qui les entourent et qu’ils doivent affronter ?
De la même manière, dans les mythes grecs, les excès et les mauvaises décisions des sociétés sont à l’origine des monstres. C’est aussi le cas de la gardienne du roman, une femme peu instruite ayant trouvé dans les exactions une forme de vie, un gagne-pain.
Finalement, l’ex-militaire trouve dans la recherche de la disparue une raison de surmonter ses traumatismes. Son obsession pour la jeune Flora, même s’il ne la connaît pas, nous rappelle l’ensorcèlement de Pasiphaé qui la fait tomber amoureuse du Taureau blanc. Cet ancien militaire sublime l’érotisation de la victime. La trouver et la sauver donnerait un sens à sa vie et à la violence qu’il a dû commettre.
Camilo Bogoya excelle dans l’art du roman à plusieurs voix qui sont clairement définies, toutes soigneusement constituées tel le fil d’Ariane. L’auteur les tisse ingénieusement et avec délicatesse pour offrir une belle étoffe de laquelle rien ne peut être enlevé.
Luis Samaniego