Pablo Montoya, Triptyque de l’infamie, traduit de l’espagnol (Colombie) par Jean-Marie Saint-Lu, éditions du Rocher, 2018, 464 p. [Tríptico de la infamia, Random House, 2014]
Pablo Montoya est un écrivain colombien qui cherche à rompre avec la littérature patriarcale de Gabriel García Márquez. Passionné de peinture et de littérature, son roman Triptyque de l’infamie (Prix Rómulo Gallegos, 2015), nous invite à découvrir la vie de trois artistes français : Le Moyne, cartographe et peintre de Dieppe ; François Dubois, peintre d’Amiens et Théodore de Bry, graveur liégeois, pendant la guerre des religions en Europe et la colonisation de l’Amérique.
Avec sa prose poétique, Pablo Montoya plonge le lecteur dans la violence exercée contre les indigènes du nouveau continent et les protestants français, montrant le lien entre ces trois peintres comme témoins et interprètes de la cruauté humaine.
Triptyque d’infamie est un roman à cheval entre la réalité historique et la fiction dans l’Europe de la Renaissance. Le livre illustre cette confrontation idéologique qui a divisé les Européens et dissimulé leurs intérêts économiques sous un humanisme prétendument civilisateur qui s’efforçait de diffuser les principes chrétiens.
Les affrontements entre catholiques et protestants ont été consignés dans ces gravures et ces peintures, où l’on voit l’horreur de la guerre, l’extermination des Indiens et le fanatisme religieux. Les œuvres sélectionnées par l’auteur sont des témoignages visuels de ce qui s’est passé dans le Nouveau Monde et lors de la Saint-Barthélemy à Paris le 24 août 1572.
Ce roman divisé en trois parties retranscrit la vision de trois artistes dont le but est de laisser une trace de cette barbarie et de mettre en lumière la légitimation de la violence contre les protestants (considérés comme des hérétiques) et les habitants du Nouveau Monde (tenus pour des sauvages) par les croyances religieuses des Espagnols catholiques.
Montoya nous invite à recréer par sa description minutieuse, ces scènes de mutilations, de décapitations, de pendaisons n’épargnant ni enfants ni femmes, aliénant formidablement l’histoire, la peinture et la littérature. Il est important s’arrêter sur ces conflits de l’ancien monde qui ont marqué le cours des événements dans le Nouveau Monde ; comme le dit Pablo Montoya : « Le roman historique ne modifie pas la société, mais nous pouvons en tirer des leçons ».
Mónica Pinto
Traduction L’autre Amérique