Éditorial septembre 2023

En Amérique latine, le Chili est souvent cité comme un exemple de réussite économique, conséquence de la mise en place d’un système ultralibéral. Cependant, c’est aussi l’un des pays où les différences entre gagnants et perdants du régime sont les plus visibles. Le Chili n’aurait certainement pas eu le même visage si le président Salvador Allende avait pu continuer à gouverner et finir son mandat. Aujourd’hui, nous avons la certitude que les lois économiques du pays ont été verrouillées dans sa constitution sous le régime du général Augusto Pinochet.

La littérature chilienne contemporaine se trouve naturellement imprégnée à divers degrés des événements liés au coup d’État de septembre 1973 et de ses suites : la contestation, comme dans le livre de Mauricio Electorat ; la vie des sympathisants du régime, dans le cas d’Alberto Fuguet ; les souvenirs d’enfance, dans les livres de María José Ferrada ou de Cristian Alarcón ; ou encore le dualisme bourreau-victime, dans le roman de Fátima Sime.

Comme nous avons pu le constater, le peuple chilien continue de se battre. Depuis quelques années et surtout en 2019, diverses revendications de l’ensemble de la société ont attiré l’attention mondiale. Le livre de Pedro Lemebel, Je tremble, ô matador, bien que publié en 2001, est la preuve que la contestation trouve sa place, même au sein de la littérature.

Forcés à l’exil à une époque, expatriés volontaires plus récemment, les auteurs chiliens voyagent presque autant que leurs livres.  Dans tous les cas, à leur passage, ils reformulent ce que l’on croyait figé et nous permettent de voir les choses sous un autre angle. Comme Roberto Bolaño qui a créé une nouvelle image du Mexique entre l’attirance et l’effroi, Luis Sepúlveda a ravivé la cause écologique et Benjamín Labatut a revisité les malheurs du progrès scientifique.

La relation du Chili avec ses voisins est pleine de hauts et de bas. Ce phénomène est également présent dans plusieurs récits littéraires comme dans El sentido del tacto, d’Alejandra Costamagna, où une Chilienne doit passer du côté argentin lors d’une période de tensions entre les deux pays. Un malaise également sensible dans Roca pelada de l’Argentin Eduardo Fernando Varela, qui situe son roman dans un espace frontalier au cœur des montagnes.

Comme toujours, en plus de notre dossier, nous vous présentons des critiques d’autres ouvrages qui nous ont marqués. D’ailleurs, pour ce numéro-ci, nous avons pu compter sur la participation de nouvelles plumes, ce qui nous permet de vous offrir un panorama plus large des actualités de la république des lettres hispano-américaines. Bonne lecture !