Israel Centeno, Calletania, Periférica, 2008. [Inédit en français]
Calletania de Israel Centeno — 1992 pour la première édition — est l’un des premiers romans qui, au Venezuela, ose raconter la violence qui se manifeste à plusieurs niveaux dans un quartier de Caracas et il propose, comme une plaisanterie, l’idée de la légitimité du recours à la violence par l’idéal révolutionnaire. Ce texte décrit une culture de l’excès, où le désir justifie la corruption comme moyen de le satisfaire.
Dans Calletania, les individus démontrent l’inefficacité de la loi, les institutions politiques se dévoient car elles sont corrompues par des polices mafieuses et des narcotrafiquants. Les groupes d’appartenance fonctionnent pour se défendre, en commettant des délits ; la famille est un milieu chargé d’inceste et de délits sexuels. Un des principaux personnages du roman, le Colonel, qui est en contact direct avec l’espace militaire, accumule les vices : c’est un toxicomane, il utilise le pouvoir que lui confèrent les appareils gouvernementaux de façon perverse et, comme si cela ne suffisait pas, il a un faible pour les mineures. C’est le pont qui relie la délinquance de l’intérieur du quartier à celle de l’extérieur. Les affaires qui fleurissent le plus dans le réseau vertigineux du quartier sont le narcotrafic, les tueurs à gages et la séquestration. Les grands chefs ont le contrôle de ces espaces inaccessibles aux institutions gouvernementales. À genoux devant ce pouvoir, le roman décrit des attitudes d’extrême soumission où les parents, de bon gré, vont jusqu’à offrir leurs filles aux chefs.
Le quartier est représenté comme un labyrinthe étouffant, une structure chaotique qui détruit la vie des individus. La ville dans ces récits n’est pas un cadre, la manière dont elle est constituée est une source génératrice de violence. Les personnages ressemblent à des survivants, capables de tout pour garder la tête hors de l’eau.
Une autre des raisons avancées pour justifier le crime est de l’accepter comme mode d’ascension sociale. Pourtant, ce n’est pas l’impression qu’a le lecteur de Calletania. Cette saturation de violence rend le regard du délinquant secondaire, comme dans les textes-témoignages des années 1970 au Venezuela. Le récit présente la désinstitutionalisation des principales entités de l’administration de la justice et de la sûreté, qui se font toutes petites devant les multinationales de la délinquance.
Carmen Vives
Cette critique fait partie de l’essaie : La féconde multinationale de la peur : une lecture de la représentation de la violence dans la littérature de Juan Villoro, Israel Centeno et Yuri Herrera de Carmen Vives. Il est disponible dans son intégralité sur ce lien.